
Le jeune photographe luxembourgeois Daniel Wagener investit le Kiosk de l’AICA – Luxembourg (Association Internationale des Critiques d’Art) avec une installation intitulée « Miau Zedong ».
Daniel Wagener et la poétique de l’absurde
Les figurines de chats maneki neko, félins souriants aux yeux ronds et à la patte gauche levée de manière accueillante, sont connus au Japon depuis l’époque Edo (1615 – 1868). Faites de plâtre ou de porcelaine, parfois aussi de cuivre ou de bois, elles avaient été créées pour rendre hommage aux chats, en signe de reconnaissance du bonheur qu’ils apportent aux humains. Aujourd’hui les maneki neko sont, pour la plupart fabriqués de manière industrielle, et on les retrouve surtout dans des magasins japonais et chinois, à l’entrée ou à côté de la caisse, où ils invitent des clients potentiels à entrer. Le geste qu’ils font de la patte gauche signifie la chance et la fortune qu’ils sont sensés apporter au commerce. Ils ont différentes couleurs, elles aussi symboliques. Le blanc représente la satisfaction et le bonheur, le doré la richesse, et les chats noirs chassent de surcroît les mauvais esprits.
Daniel Wagener s’intéresse avec beaucoup d’humour aux détails anodins de la vie de tous les jours. Dans ses photographies, il capte ce qu’il appelle ‘les arrangements ridicules du quotidien’, des juxtapositions incongrues récoltées au gré de ses promenades, des images improbables voire surréalistes, qui interpellent par leur absence apparente de logique et leur décalage par rapport au réel. Cet écart entre la réalité et son détournement artistique est prolongé, dans des installations regroupant objets et images, par le mouvement purement cinétique, renforçant ainsi la poétique de l’absurde qui traverse, en fil conducteur, l’oeuvre entière de l’artiste.
Pour son travail au Kiosk de l’AICA, Daniel Wagener poursuit ses explorations du banal et du grotesque, en invitant par dizaines des maneki neko à investir l’espace du container. Perchés sur des ‘arbres’ de différentes hauteurs, entre de l’herbe à chat et des langues de belle-mère en plastique, ils s’agitent joyeusement, mus, soit par des piles, soit par l’énergie solaire. Ainsi ils font la fête aux passants. A moins de voir dans leurs gestes non-coordonnés une salutation à l’effigie du grand timonier Mao Zedong qui, lui aussi transformé en objet de la culture et de la consommation de masse, pleure -ou rit- des jets d’eau dans une baignoire à bébé. Est-ce bien sérieux? Evidemment que non. Mais le sourire et le rire, en art, ne sont pas défendus. Au contraire, ils libèrent des préjugés et facilitent l’accès, tout en permettant de poser des questions plus substantielles. Telle l’installation Miau Zedong de Daniel Wagener, qui s’interroge, entre autres, sur la migration des icônes artistiques ou politiques dans un monde globalisé -et nous permet en même temps d’en rire.
Texte de Françoise Poos, Ph.D. Researcher in Visual Culture – Curator of Photographs (mai 2018).
Exposition « Miau Zedong » de Daniel Wagener au Kiosk de l’AICA, Avenue de la Gare / Viaduc.